mai 27

La crise de régime s’accélère

La démission de Jean-François Copé illustre un peu plus la décomposition politique des partis institutionnellement majoritaires dans le pays.

Ces mêmes responsables aux intérêts toujours plus liés à ceux du monde des affaires et de l’oligarchie financière ne sont-ils pas les mêmes qui demandent depuis des années des efforts aux français ? L’affaire Bygmalion, qui dissimule a minima une fraude au financement de la campagne présidentielle, est du coup encore plus dévastatrice pour le monde politique.

A la crise sociale s’ajoute ainsi une crise rampante de régime dont le rythme des pics éruptifs, qu’ils se nomment Cahuzac ou Copé, s’accélère.

Après les résultats des Européennes voilà une autre confirmation que les abimes ne sont pas loin. Il revient à ceux qui portent un projet réellement alternatif à l’enfer néolibéral de l’éviter. Cela commence, en l’espèce, par une rupture avec le régime de la 5ème République qui légitime tous ces excès.

Eric Coquerel, Secrétaire national du Parti de Gauche

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fév 01

La constituante tunisienne, un laboratoire démocratique et d’idées

Quelques jours après l’adoption de la Constitution tunisienne, la commission pour la VIe République du Parti de gauche veut tirer des leçons de ce processus constituant, « devenu une véritable fabrique de la démocratie en Tunisie ».

 

« Idhāash-shaʿbu yawman arāda al-ayāh
Fa-lābudda an yastajīb al-qadar
Wa-lābudda lil-layli an yanjalī
Wa-lābudda lil-qaydi an yankasir » 

« Lorsquun jour, le peuple aspire à vivre,
Le destin se doit de répondre !
Les ténèbres se dissiperont !
Et les chaînes se briseront ! »

Extrait de l’hymne national Tunisien, Humat Al Hima

 

L’Assemblée nationale constituante (ANC) a voté dimanche 26 janvier : la Constitution tunisienne est adoptée à une forte majorité (200 voix pour sur 217). Éveillée par le geste martyr de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, la révolution tunisienne parvient ici à une réalisation essentielle, témoignant d’une vitalité politique qui continue aujourd’hui d’éclairer le monde entier : le printemps arabe n’a pas fini de faire parler de lui, n’en déplaise au triste cortège des grincheux de tous ordres, prompts à déconsidérer ironiquement toutes les tentatives du peuple pour défaire les chaînes qui l’isolent dans l’ombre.

En tant que membres de la commission VIe République du Parti de gauche, nous avons suivi de près le processus constituant. Grâce à la grande transparence dans laquelle il s’est déroulé, à la publicité des débats assurée par la société civile tunisienne – journalistes, députés et citoyens s’emparant du crépitement des réseaux sociaux pour témoigner – il nous a été possible de nous immerger dans la fabrique constitutionnelle, d’en saisir les coups d’accélérateur, les pierres d’achoppement, les débats avortés, les joies et les peines, le champs des possibles. Et d’en tirer d’importantes leçons quant aux vertus démocratiques de ce processus que nous appelons de nos vœux en France.

Le personnage principal et récurrent de cette séquence révolutionnaire, c’est bien le peuple. Le peuple tunisien, impliqué dès le début pour défendre sa révolution. Le peuple qui a désigné démocratiquement ses représentants à l’ANC. Le peuple vigilant qui n’a rien lâché pendant la rédaction de sa Constitution, le peuple audacieux qui s’est invité à chaque étape du processus constituant. Par le « peuple », que faut-il entendre ? Une fusion des classes, des sexes, des générations propres à la dynamique révolutionnaire. En 2011, dans les rues de Tunis et d’ailleurs, il y avait des femmes et des hommes, des jeunes – cette génération nombreuse qui, éduquée et diplômée mais sans emploi ni espoir, a fait la révolution – et des moins jeunes, classes populaires et classes moyennes mélangées. Un peuple s’est constitué avant d’être constituant.

Il y a trois ans, le 14 janvier 2011, sous les huées, les « Dégage ! » de ce peuple uni par le désir de tourner la page d’un régime autocratique et corrompu, le dictateur Ben Ali quittait piteusement la Tunisie. Quand le peuple tunisien dit « dégage », eh bien, que voulez-vous, ça « dégage ». « Dégagée », la clique dictatoriale. « Dégagés » aussi, les pouvoirs intérimaires non-légitimes qui faisaient obstacle au peuple sur le chemin de sa révolution. « Dégagé » enfin, le parti du dictateur. Pour accuser l’Ancien régime, le peuple tunisien lui avait donné un nom : « cleptocratie ». Et, tout en faisant le ménage, le peuple tunisien faisait entendre par les voix qu’il découvrait siennes – associations, presse, partis, syndicat, collectifs d’artistes – les exigences d’une liberté retrouvée et les échos si longtemps retenus d’une parole enfin libérée. Prenant le risque de la division pour transformer la colère en projet collectif, fécond, positif, le peuple n’a pas fui devant le défi de l’organisation politique.

Le peuple qui avait affirmé sa souveraineté voulait la démocratie.Il en obtint les prémisses le 23 octobre 2011 lors des premières élections libres du pays. Ainsi fut élue l’assemblée constituante qui vient de terminer ses travaux. Les islamistes d’En-Nahdha arrivèrent en tête, le monde découvrant que contrairement à ce que déclarait Ben Ali, la religiosité avait profondément pénétré les foyers, aidée par la télévision officielle et l’absence de débats contradictoires qui nécessairement renforçait le fait religieux. Face aux turpitudes d’un régime dont les véroles se dévoilaient au grand jour, le présupposé de moralité doublé d’une légitimité historique puisée dans une opposition de longue date à Ben Ali, a donné un rôle politique particulier aux religieux. Beaucoup craignaient alors pour les libertés fraîchement retrouvées, acquis si fragiles de toute révolution. Les médias occidentaux jouaient les Cassandre en prévoyant un hiver islamiste. De fait, le pays s’enfonçait dans une double spirale de dépression économique et de violence. Un élément pourtant allait permettre d’éviter le pire : encore et toujours l’implication populaire.

En effet, aux moments les plus critiques, notamment après les actes de déstabilisation que constituèrent les assassinats de personnalités politiques progressistes, nos camarades du Front Populaire, Chokri Belaïd le 6 février 2013, et Mohamed Brahmi le 25 février 2013, le peuple a marqué son refus de la violence et son souci de sauver sa révolution en maintenant la pression civile dans le pays. Cet été 2013 fut effectivement le point de départ de trois mois de sit inpopulaires au Bardo, un quasi-mouvement révocatoire, permettant la reprise du dialogue national.

Et alors que le processus constituant paraissait arrêté, que l’ANC semblait avoir laissé les coudées franches à un exécutif tout puissant, elle est parvenue à reprendre la main. Le pouvoir est repassé du gouvernement et de quelques ténors des partis dominants aux élus du peuple, des salons ministériels à l’hémicycle, mais surtout à un hémicycle ouvert sur la rue, sur la Cité.

La publication des débats, essentielle pourtant dans tout processus démocratique, n’avait pas été initialement prévue, du moins organisée. C’est la société civile qui s’en est saisie : une organisation non gouvernementale, Al-Bawsala (la boussole), a monté un observatoire des travaux de l’assemblée, permettant à tout citoyen de connaître le détail du texte, des amendements, des votes, des prises de paroles. Les réseaux sociaux et les tribunes ont fait le reste pour ouvrir l’assemblée au contrôle critique de la Cité. Car chaque étape de l’élaboration de la Constitution fut alors l’objet de débats publics et de rassemblements citoyens qui influencèrent puissamment les travaux de l’assemblée.

C’est ainsi que le processus constituant est devenu une véritable fabrique de la démocratie en Tunisie. Et c’est là l’une des leçons, l’un des espoirs que nous voudrions tirer de cette expérience. La Constitution n’a pas seulement été écrite par l’assemblée, par ses partis, par des mandataires, mais aussi par le peuple. Les contrepoids ont été essentiels pour permettre au peuple de garder sa souveraineté : le processus constituant est ainsi parvenu à stabiliser une situation critique, diffuser de la confiance, redonner de l’espoir et maintenir vivante l’idée d’une légitimité populaire. Il a unifié un peuple qui se perdait dans ses clivages. Au soir du vote, un élu de l’opposition s’enthousiasmait : « Cen est fini de la Tunisie coupée en deux. » Après le vote, l’euphorie commune qui s’est répandue dans les couloirs du palais du Bardo a semblé bien plus forte que les inexorables frustrations particulières qui émaillent tout accomplissement démocratique. Le pacte de la délibération a tenu bon le choc du pluralisme.

La Constitution de la IIe République tunisienne est donc votée.

C’est bien entendu un texte de compromis. Mais au regard de ce qu’on aurait pu craindre au vu du résultat des élections, c’est un compromis heureux. Insuffisant peut-être, mais heureux.

On n’y trouve pas la référence, souhaitée par les islamistes, à la Charia comme source du droit. Même si sa religion est l’islam, la Tunisie est un État civil. Nuance de taille : l’islam n’est ainsi pas la religion de l’État. Les principes universels des droits de l’homme sont reconnus. Les libertés fondamentales, comme la liberté de conscience et d’expression, y sont affirmées. La liberté de la presse fait elle aussi quelques progrès notables : l’article 31 garantit les libertés« dinformation et de publication », l’article 32 consacre l’accès à l’information sans restrictions particulières et l’article 127 prévoit la création d’une instance en charge de veiller à « la pluralité et lintégrité des médias ». Par ailleurs, « les droits acquis de la femme » sont gravés dans le marbre ; non seulement l’égalité entre citoyens et citoyennes est consacrée (même si reste entier le problème de l’inégalité dans le droit privé, notamment en matière successorale), mais surtout la parité dans toutes les assemblées est désormais un principe constitutionnel. Tout cela au grand dam des islamo-conservateurs qui lui préféraient la notion de« complémentarité homme/femme ».

L’indépendance de la justice y est timidement garantie, victoire de la magistrature tunisienne qui s’est fortement impliquée sur ce point lors des dernières semaines. Soucieux d’assurer un équilibre des pouvoirs, les constituants tunisiens ont évité les pièges de l’hyper-présidentialisation qui dominait la précédente constitution et plus encore caractérisait l’évolution autocratique du régime, en dotant leur pays d’un régime parlementaire, tempéré néanmoins par la possibilité pour le président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. La Constitution garantit de plus un certain nombre de droits sociaux et environnementaux, empruntant ainsi aux Constitutions modernes d’Amérique latine (droit au travail, droit à l’eau, droit à un environnement sain…). Écrire une Constitution par une assemblée constituante plutôt que par un comité de sages ou de juristes apparaît donc comme déterminant quant aux normes qui y seront consacrées.

Les compromis nécessaires ont donné lieu cependant à un certain nombre de contradictions et de zones d’ombres dans le texte. Emblématique en la matière, l’article 6, maintes fois remis sur le métier : s’il fait de l’État le « garant de la liberté de conscience » et de la « neutralité des mosquées », et si la dénonciation de l’apostasie (takfir) est criminalisée, il dit aussi que l’État s’engage à « protéger les sacrés », à « interdire d’y porter atteinte » (ajout de dernière minute qui a affligé une bonne partie des députés de l’opposition). On constatera aussi que la peine de mort n’est pas abolie par cette nouvelle Constitution. Les jeunes, acteurs pourtant centraux de la révolution, sont victimes du texte qui fixe des limites d’âge élevées pour l’éligibilité. La Constitution a plus donné corps à l’un des slogans de la révolution, « liberté », qu’à ceux concernant la dignité et la justice sociale. L’interprétation de ce texte puzzle, résultat de rapports de force complexes entre islamo-conservateurs et libéraux, sera donc un enjeu politique majeur et revient à l’ensemble de la société, dans toute son épaisseur.

Reste que… cette Constitution n’est pas le résultat du seul rapport de forces politiques issu des élections, favorable aux islamistes. Le débat a fait apparaître de nouvelles lignes de clivages, prometteuses. Si les votes clivés de certains articles (sur la défense du sacré, les aspects identitaires) donnaient nettement à lire les camps attendus islamistes vs. laïcs, d’autres questions ont en revanche divisé à l’intérieur de chacun des camps. Ainsi des questions sociales, cruciales dans les mois à venir : les débats sur les droits sociaux, la discussion consacrée à un amendement inattendu sur une possible formulation de la liberté de travail et d’entreprendre (rejeté) ont divisé chacun des groupes et fait apparaître des alliances intéressantes.

Nous ne sommes pas là pour juger la Constitution tunisienne à l’aune d’un hypothétique « idéal » démocratique qui est déjà si fragilisé dans notre propre État, ni pour se réjouir d’un « ça aurait pu être pire ». Et nous savons bien que beaucoup dépendra des usages politiques sans doute inattendus et des lectures originales qui pourront en être faites. Mais nous voulons cependant tirer de cette expérience magnifique quelques leçons.

Le processus constituant, par l’effervescence démocratique qu’il a suscitée au cœur du peuple tunisien, a été tout à la fois laboratoire et objectif démocratique en soi. Il aura été pour le peuple un moyen de tourner la page de l’Ancien régime et de se donner le cadre d’une démocratie vivante. Depuis le balcon de notre vieillissante Ve République, où le peuple est dépouillé de sa souveraineté, l’implication des citoyens tunisiens dans la prise en main de leur destin ne manque pas de nous surprendre. De nous secouer, aussi.

Au fait, pour nous, c’est pour quand la constituante ? Le processus constituant a fait avancer la Tunisie, il doit aussi nous faire avancer.

Mounia Benaili, Raquel Garrido, Charlotte Girard, Mathilde Larrère, Clément Sénéchal et Alexis Vilanova, de la commission pour la VIe République et la constituante du Parti de gauche.

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jan 28

Le Parti de Gauche salue l’adoption de la Constitution tunisienne

L’adoption par 200 voix sur 217 de la nouvelle Constitution tunisienne par l’Assemblée Nationale Constituante, le 26 janvier, marque une nouvelle étape du processus révolutionnaire en Tunisie, ouvert à partir du soulèvement du bassin minier en 2008, symbolisé par l’immolation de Mohamed Bouazizi en décembre 2010 et qui a abouti en 2011 au renversement populaire de Ben Ali.

La victoire aux élections d’octobre 2011 d’une coalition entre le parti islamiste Ennahdha et ses affidés sociaux-libéraux d’Ettakatol et du Congrès Pour la République, laissait craindre le pire. Mais la Constitution adoptée hier se révèle être un bon compromis, fruit d’une mobilisation populaire qui, suite aux odieux assassinats de nos camarades du Front Populaire Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, a réussi à imposer un rapport de forces. La rédaction d’une nouvelle constitution par la voie d’une Assemblée Constituante a entraîné une implication constante de la société civile qui a, en retour, rendu transparent le processus constituant. L’élaboration constituante a été une véritable fabrique de la démocratie . Ainsi, le renversement de l’ancien régime cleptocratique pour instituer une République a été l’œuvre du peuple lui-même.

La 2ème République Tunisienne garantira tous les « principes universels des droits de l’homme », telle la liberté de conscience. Certaines garanties sociales et environnementales sont également inscrites : l’article 13 stipule que les « les ressources naturelles appartiennent au peuple » et l’article 38 « garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien et à faible revenu ». On retrouve également le droit au travail (article 40), le droit à l’accès à l’eau (article 44), ou encore « le droit à un environnement sain » (article 45).

De plus, l’équilibre des pouvoirs entre le président et l’assemblée, ainsi que l’indépendance de la justice, offre des garanties de séparation démocratique des pouvoirs. Enfin, la Constitution était très attendue sur les droits des femmes. Grâce à la pression continue de l’opposition et des associations féministes tunisiennes, la nouvelle Constitution stipule que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune » (article 20). Cet article constitue même une avancée par rapport à la Constitution de 1956, qui disposait simplement que « tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs ». Selon l’article 45, l’Etat « prend les dispositions nécessaires à l’élimination de la violence qui s’exerce contre les femmes », et « garantit l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans l’exercice des différentes responsabilités ». Enfin, l’article 33 « œuvre à garantir la représentativité de la femme dans les assemblées élues ». Ce cadre permettra d’amplifier l’émancipation des femmes tunisiennes, puisque celles-ci seront incontournables dans les instances de décisions via la loi sur la parité.

Bien sûr ce texte est loin d’être parfait, et certaines clauses sont restées volontairement ambiguës, par la pression des islamistes. Et évidemment, il ne suffit pas d’un texte pour que les droits théoriques deviennent des droits effectifs et que cette Constitution s’accompagne de la réalisation de tous les objectifs de la révolution : liberté, dignité, travail et justice sociale. Le combat continue contre la violence politique et pour des élections libres assurant la pleine souveraineté du peuple. L’urgence, en parallèle de l’organisation des élections, est à l’amélioration de la situation économique et sociale, qui n’a connu aucun progrès depuis la chute de Ben Ali, quand elle ne s’est pas dégradée. Inverser cette tendance, qui ne pourra que nourrir les forces contre-révolutionnaires, suppose d’en finir avec la politique économique actuelle, imposée par les Etats-Unis, l’Union européenne, et bien sûr la France, où le Parti socialiste soutient Ettakatol et réclame le remboursement des dettes contractées sous le régime Ben Ali.

L’exemple tunisien nous interpelle. Après les Assemblées Constituantes d’Amérique Latine, la méthode constituante a traversé l’Atlantique pour arriver en Méditerranée ! Au moment même où les pays européens subissent une régression sociale généralisée, la Tunisie nous inspire. Le Parti de Gauche salue le peuple tunisien et continue son propre combat pour la souveraineté populaire.

Que la prochaine constituante soit en France!

Ramzi Kebaili , Jennifer Bellay, Mathilde Larrère et Alexis Vilanova (Commissions internationale, féminisme et 6ème république)

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déc 19

Big Brother à Matignon

La loi de programmation militaire adoptée la semaine dernière par le Parlement donne la possibilité à l’État d’espionner chacun de nos mouvements numérisés en temps réel, sans aucune forme de contrôle – la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) ne pouvant plus se prononcer qu’a posteriori.

 

Internet contient de nombreuses vertus démocratiques. Médium décentralisé, il nous émancipe de la société du spectacle traditionnelle, verticale et autoritaire. Celle par où l’idéologie dominante transite chaque jour pour coloniser doucement l’imaginaire de spectateurs passifs et atomisés. Les médias sociaux ouvrent l’espace public au grand nombre, autorisent les quidams à devenir eux aussi des locuteurs légitimes, à se mêler de la chose publique, participer à l’élaboration du discours d’information et contredire les paroles installées.

Outil d’échange, il génère un partage illimité des connaissances à bas coût, une appropriation vaste des sa-voirs réservés jadis à une élite, une insertion active dans la circulation culturelle. Ils ont également permis à certains de sortir de l’isolement, de témoigner plus facilement du monde dans lequel ils vivent, de documen-ter l’existence des gens ordinaires, d’illustrer leurs vies et d’en discuter avec les autres. 

Ils ont par ailleurs servi d’outil de communication privilégié des mobilisations sociales qui strient l’histoire récente – Occupy aux États-Unis, Indignados en Espagne, Printemps érable au Canada, place Taksim en Turquie, Révolte du vinaigre au Brésil, permettant aux contestataires de livrer leur propre récit, d’indiquer de manière autonome les mobiles de leur combat et le sens de leur révolte, de narrer eux-mêmes le déroulement des événements. Parfois même, en permettant de contourner la censure du régime où se range l’ordre établi, les médias so-ciaux ont pu jouer un rôle décisif dans certains soulèvements révolutionnaires ceux du Printemps arabe par exemple. 

Mais de plus en plus, ces vertus démocratiques prennent les traits de leurres disposés par le pouvoir pour pié-ger les citoyens, dissuader leur action et entraver leurs libertés civiles. D’abord, de grands trusts écono-miques commencent à étouffer le réseau : assez puissants pour imposer leur logique capitaliste aux naviga-tions en ligne, ils n’hésitent plus à commercialiser les (méta)données laissées par les usagers à leur insu afin d’en extraire des profits publicitaires injustifiables. 

Ensuite, les industries culturelles mènent une guerre vio-lente contre les processus de partage, de collaboration et de création initiés par Internet, en prescrivant aux pouvoirs politiques un vision restrictive du droit d’auteur en France, c’est Hadopi qui se charge de cette sale besogne. Enfin, les États eux-mêmes s’en prennent de plus en plus sévèrement aux libertés numériques : en pourchassant honteusement les lanceurs d’alerte (Assange, Mannings, Snowden…) d’une part, en espion-nant sans vergogne (NSA) des peuples souverains au nom de l’idéologie frelatée du terrorisme – inventée par les puissances occidentales pour soutenir leurs intérêts géopolitiques, justifier la démagogie sécuritaire et sa-tisfaire le complexe militaro-industriel d’autre part. 

Or la France vient d’effectuer un pas terrifiant dans cette direction. La loi de programmation militaire adop-tée la semaine dernière par le Parlement donne en effet la possibilité, sur simple autorisation du Premier ministre, de pouvoir recueillir « des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des élé-ments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous » (art. 20). 

L’État pourra donc espionner chacun de nos mouvements numérisés en temps réel, sans aucune forme de contrôle – la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) ne pouvant plus se prononcer qu’a posteriori, alors qu’elle le faisait auparavant a priori. Cette loi légalise en somme l’illégalité et installe sournoisement, à l’instar du Patriot act aux États-Unis, l’état d’exception en France. Et témoigne d’un alignement inquiétant de François Hollande sur l’idéologie des néocons américains issue de l’ère Bush Jr. 

Il est inacceptable que ce genre de mesures concernant très directement les droits civiques des citoyens puis-sent être prises en dehors de tout débat public sérieux. Cette loi percute le droit à la protection de la vie pri-vée inscrit aux articles 2 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En transformant chacun de ses administrés en suspect, notre régime s’enlise dangereusement dans les prémisses du totalitarisme. 

Nous demandons par conséquent aux parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel. Nous leurs deman-dons par ailleurs de légiférer en vue de garantir les libertés numériques, à commencer par la sanctuarisation constitutionnelle de la neutralité du Net : une voie sur laquelle s’est d’ores et déjà engagé le Brésil avec la Marco Civil da Internet, et qui sera l’un des traits de la sixième République que le Parti de gauche appelle de ses vœux. 

*Clément Sénéchal, co-responsable de la commission nationale du Parti de gauche pour la Constituante et la VIème République. 

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déc 13

Jours sombres pour l’unité et la souveraineté de la République

Après la braderie des industries de souveraineté comme Alcatel, EADS ou Safran, voici la vente à la découpe de l’unité de la loi.

Jean-Marc Ayrault vient d’offrir à la minorité autonomiste de Bretagne des droits qui rompent l’égalité de tous les Français.

Le transfert d’une partie du pouvoir réglementaire, l’expérimentation des compétences à la carte et la mise en œuvre des articles anticonstitutionnels de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires font franchir un palier sans précédent dans l’hexagone.

L’opposition de gauche ne doit pas accepter cette exaltation de la compétition entre les territoires et les populations de France.

Jean-Luc Mélenchon

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nov 27

Constater le besoin de l’impôt pour y consentir

Contre un régime fiscal qui « ne cesse de creuser les inégalités au lieu d’opérer un juste partage des richesses », et contre « la désagrégation du consentement à l’impôt »Raquel Garrido et Clément Sénéchal (Parti de gauche) défendent la marche organisée par le Front de gauche le 1erdécembre, « une méthode permettant de sortir par le haut de cette période de tension, et de retrouver l’impulsion positive de la Révolution Française »

 

Le projet de loi de finances 2014 a été adoptée la semaine dernière à l’Assemblée. Il prévoit des coupes d’environ 15 milliards d’euros dans le budget de l’État, dont 10 milliards pour les services publics. Il arrive à un moment où le consentement à l’impôt se délite à grande vitesse. Jusqu’à présent, face à la caricature et l’opportunisme des partisans du zéro impôt, le principe de légitimité de l’impôt tenait bon. Cependant, le gouvernement a petit à petit creusé la tombe de cette légitimité fiscale et enclenché un processus de véritable désagrégation du consentement à l’impôt. Déjà, avec la capitulation face aux « pigeons » à propos de la taxe sur les plus-values de cession, la détermination de l’impôt est spectaculairement devenu le domaine réservé d’intérêts catégoriels organisés, capables de financer à grands coups de com’ leur dérobade aux velléités du pouvoir en place, censé exprimer la volonté générale. Le trouble s’est accentué lorsque le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, prétendait le 7 janvier 2013 que la grande réforme fiscale de gauche « était faite », alors qu’il n’en était rien encore et qu’il n’en serait donc jamais rien. Lorsque l’on a apprit que celui-là même dissimulait ses avoirs à l’étranger quand il demandait, en toute « rigueur », au contribuable français de consentir à « plus d’efforts », on était au bord de la rupture. Puis, un vaste crédit d’impôt de 20 milliards d’euros a été indistinctement accordé aux entreprises du pays – McDonald’s compris – sans contrepartie sociale ou écologique d’aucune sorte, simplement pour appâter les grands actionnaires et complaire aux agences de notations inventées pour imposer leur discipline. Même dans la « majorité présidentielle », des voix s’élevaient pour questionner la destination des fonds.

Payer la dette ? Faire des cadeaux au CAC 40 ? Est-il vraiment nécessaire de prélever l’impôt pour des telles mesures ? Cette question, qui est rarement posée avec précision tant le financement de l’Etat social est une évidence qui pré-légitime globalement les contributions fiscales de chacun, est désormais au centre d’un grand débat national. Après des années de non-débat (l’Assemblée nationale a elle-même des pouvoirs extrêmement limités en la matière), les Français semblent se souvenir de leur histoire longue. Déjà, en 1789, l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclamait que « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

Ainsi, le libre consentement à l’impôt est précédé, nécessairement, du constat de sa nécessité.

On peut dire que l’impôt comporte en fait trois dimensions essentielles. La première, unedimension éthique, de l’ordre de la morale personnelle : il requiert un geste de partage absolu du citoyen. La seconde, une dimension sociale : progressif et redistributif, il finance un certain nombre de filets sociaux afin d’empêcher l’exclusion définitive des membres fragilisés de la société, quelles que soient les difficultés qui les frappent, signalant par là notre irréductible interdépendance commune. En redistribuant la plus-value créée par les salariés et captée par les propriétaires (du capital et des outils de production), il assure par ailleurs une circulation des richesses collectives dont le marché seul serait incapable et répare les inégalités qui nous divisent ; il est ainsi le prisme où s’ajuste la lutte des classes. La troisième enfin, une dimension politique : l’impôt fournit une assise matérielle à l’ensemble des lois qui s’appliquent sans distinction à l’ensemble de la communauté légale, empêchant le texte démocratique de sombrer totalement dans les mirages de la pétition de principe. Par les institutions politiques et les fonctions régaliennes qu’il finance, il donne vie à la souveraineté populaire, lui arroge le pouvoir de modeler concrètement la texture du monde dans lequel vivent ses dépositaires. L’impôt, chiffre de la loi et force du droit.

C’est dire à quel point l’impôt constitue le nerf de la République. C’est dire aussi combien le non consentement à l’impôt contient la menace d’une crise de régime, incertaine lacune de l’Histoire d’où le pire comme le meilleur peuvent surgir. La proposition de Marche pour la Révolution fiscale, le 1er décembre, est une méthode permettant de sortir par le haut de cette période de tension, et de retrouver l’impulsion positive de la Révolution Française. C’est l’occasion pour chacun de participer au constat des nécessités, pour exercer pleinement son pouvoir citoyen. Car quel est le constat actuel ?

D’abord, nous ne sommes plus égaux devant le paiement de l’impôt. Les classes dominantes ne cessent d’y échapper depuis des décennies. D’un côté ceux qui, conseillés par tout un bataillon de professions spécialisées dans le contournement de l’esprit des lois (avocats fiscalistes, conseillers financiers, etc.), pratiquent l’évasion fiscale à tous crins : de 60 à 80 milliards par an sont ainsi dissimulés chaque année à la République dans les paradis fiscaux. De l’autre, ceux qui pratiquent directement la négociation fiscale avec les services de l’État : « Toutes les fortunes de France négocient leurs impôts, vous le savez parfaitement » annonçait très sérieusement l’ancien conseiller spécial de l’Élysée, Henri Guaino, le 3 janvier 2013, à la télévision.

Ensuite, la destination de nos impôts pose problème : la majeure partie ne sert en effet plus à alimenter de grands investissements ou améliorer la qualité de services publics, mais à rétribuer une dette publique due pour une large part au sauvetage des banques privées « too big to fail »en 2008, qui s’étaient rendues coupable de spéculer avec l’argent de tous pour enrichir quelques-uns. Or ni le système bancaire ni la structure des marchés financiers n’ont été réellement réformés, et nous continuons à payer des impôts qui couvrent en réalité les risques inconsidérés pris par la classe professionnelle des cupides. Par ailleurs, cette dette que nous remboursons avec nos impôts se trouve évidemment assortie d’intérêts ; qui donc en sont les créanciers ? Pour la majorité, ces mêmes grandes banques, grands assureurs, fonds de pension et fonds souverains, d’un mot : l’oligarchie internationale. La dette française est ainsi détenue à plus de 65% par des non-résidents, c’est-à-dire par des marchés financiers bien plus exposés aux aléas conjoncturels de la spéculation qu’ils ne le sont aux lois d’une volonté générale déterminée. En fait, nos impôts alimentent un vaste business financier au lieu d’assurer le fonctionnement de la République.

Il faut aussi se demander si l’impôt est encore librement consenti lorsque c’est une instance non élue, la Commission européenne, qui fixe les grands arbitrages budgétaires du pays. En vertu du TSCG que François Hollande s’était promis de renégocier, notre destin fiscal nous échappe aujourd’hui largement. Les États doivent par exemple communiquer leur budget le 15 octobre, la Commission doit rendre son avis avant la fin novembre et peut en demander la révision; sorte de droit de véto budgétaire, en somme. Bien qu’elle ait obtenue une réforme des retraites dont le candidat Hollande n’avait pourtant jamais fait mention durant sa campagne, la Commission ne s’est en l’occurrence pas privée de chaudes remontrances cette année. La règle d’or impose par ailleurs que le budget soit toujours en équilibre alors qu’un budget en déséquilibre est aujourd’hui nécessaire pour relancer l’activité économique par la transition écologique des modes de production. Peu à peu dépourvu de ses prérogatives budgétaires, l’État ressemble de fait moins à une République qu’à un protectorat soumis à un pouvoir autoritaire.

Deux gouttes d’eau, enfin. D’abord, l’écotaxe, qui en plus d’être injuste, absurde et inefficace, a été ficelée de telle manière que pour la première fois depuis la Révolution ce soit une société privée (Ecomouv’) qui soit chargée de percevoir l’impôt – prélevant au passage une obole de 20 % (!) : retour des fermiers généraux, ni plus ni moins. Ensuite, la hausse de la TVA (de 7 à 10 % pour le taux intermédiaire, et de 19,6 à 20 % pour le taux normal, ce qui correspond à environ 6 milliards d’euros prélevés sur la demande) apparaît comme parfaitement cynique dans un contexte de récession économique : impôt non progressif, elle frappe plus lourdement les foyers modestes (8% du revenu des 10% des ménages les plus pauvres) que les riches (à peine 3% des 10% des ménages les plus aisés), grevant ainsi les dépenses courantes, détériorant un peu plus le cours de la vie quotidienne. François Hollande et le PS eux-mêmes n’étaient-ils d’ailleurs pas vent debout contre cette mesure votée par l’UMP, allant même jusqu’à la supprimer dès juillet 2012 ?

Par bien des aspects, notre système fiscal contredit donc l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Plus que jamais favorable à la rente du capital accumulé, le régime fiscal ne cesse de creuser les inégalités au lieu d’opérer un juste partage des richesses. Depuis la crise des subprimes, une ponction systématique est organisée entre les mains du peuple au profit des banques et de la finance.

La seule limite à cette redistribution à l’envers, c’est la résistance à l’injustice fiscale. En marchant le 1er décembre (13h30, de la Place d’Italie au « portique » de Bercy), nous renouons avec l’élan des deux premières grandes marches citoyennes lancées par le Front de Gauche pour une Assemblée constituante et la VIe République, celle du 18 mars 2012 et celle du 5 mai 2013. En participant au débat fiscal, nous renouons avec le citoyen, nous accélérons la chute de la VeRépublique et nous créons les conditions du protagonisme du peuple qui sera la raison d’être de la VIe République.

Raquel Garrido, secrétaire nationale du Parti de gauche (PG) au combat pour la Constituante et la VIe République
Clément Sénéchal, coprésident de la commission nationale du PG pour la Constituante et la VIeRépublique

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oct 02

Des sondages liberticides

Montée du FN ! Montée du FN ! C’est un peu le mantra de notre démocratie d’apparat. Diffuser l’effroi, faire pression : c’est le rôle occupé par les sondeurs dans la division du travail culturel assurée par l’appareil idéologique de notre oligarchie. Un média commande un sondage, les sondeurs posent des questions biaisées, ils redressent les résultats puis font parler les chiffres, les médias transforment cette sorcellerie en événement, l’événement structure l’actualité, l’actualité redessine le paysage politique, le réordonnancement des rapports de force amende les représentations de chaque citoyen et chaque citoyen altère ses propres choix sous l’effet de cette violence symbolique. Ce faisant, c’est l’examen des programmes politiques que l’on occulte, la course aux petits chevaux que l’on perpétue.

Dernier exemple en date ? Le sondage du 12 septembre réalisé par CSA pour BFMTV, le Figaro, et Orange, orné du slogan «2014, le match pour les municipales». Alors que l’élection se joue dans plus de six mois, le Figaro se permet d’affirmer que «les listes du Front National progressent» (par rapport à mars, c’est-à-dire à plus d’un an du scrutin, quand aucun parti n’avait encore mis en place la moindre stratégie électorale). Mais quelles listes ? Abus de langage, puisqu’aucune d’elles n’est encore constituée. Et négation de l’enjeu électoral, puisqu’aucun programme municipal n’a encore fait son apparition locale. L’utilisation médiatique récurrente des sondages dans notre démocratie revient à une privatisation de l’opinion, marchandisée par les agents dominants afin de perpétuer leur avantage. L’opinion publique n’existe pas : elle est un produit. D’abord, les réponses fournies aux sondeurs sont orientées par le choix et la formulation des questions, qui imposent un cadre d’interprétation porteur d’évidences implicites qui n’ont pourtant rien d’évidentes. Interroger présuppose ensuite que tout le monde a déjà réfléchi à la question et que toutes les opinions se valent donc spontanément. Erreur : les citoyens prononcent des choix politiques fondés sur une argumentation informée, plurielle et contradictoire. La fonction des sondages n’est pas d’informer les gouvernants des doléances du peuple ; mais de fabriquer une «opinion publique» conforme aux intérêts des classes dominantes. C’est une manière de contrecarrer l’isoloir : si au moment du vote chacun est libre de choisir en son âme et conscience, à l’abri du regard d’autrui, dans l’espace médiatique le for intérieur est accablé par le poids des autres, actualisé sous forme de pourcentages. La masse de l’opinion supposée générale scrute ainsi chaque citoyen, appuie sur sa pensée, canalise ses gestes : vote «utile» car le risque du FN au second tour guette ! Ne vote pas selon tes convictions, malheureux, mais selon les nécessités stratégiques que je t’énonce ! Sois responsable ! Et ne crois surtout pas que les élections constituent un moment démocratique, car je t’en apporte déjà les résultats. Les sondages se parent de scientificité alors que leurs méthodes demeurent opaques. L’opinion publique serait pourtant curieuse de savoir comment on invente l’opinion publique. En 2010, suite à l’affaire des sondages de l’Elysée, deux sénateurs s’étaient alarmés du danger que faisaient courir les sondages à la démocratie.

A dire vrai, la Commission des sondages est aujourd’hui une machine à blanchir les sondages confectionnés et publiés en violation de la loi. Adoptée à l’unanimité par le Sénat, la proposition de loi de MM. Portelli et Sueur entendait renforcer ses prérogatives et moyens : extension des obligations légales à l’ensemble des études politiques, obligation pour les médias de publier les notifications de la commission, publication systématique de la fiche d’identité (nombre de personnes sondées, etc.) et du nom du commanditaire (qui n’est pas forcément l’acheteur)… Elle préconisait surtout que chaque citoyen puisse consulter les techniques de redressement mises en œuvre. Et s’attaquait au problème de la rémunération des sondés, qui pose de sérieuses questions éthiques : en République, la liberté de conscience aurait-elle un prix ? Las, une fois parvenue à l’Assemblée (en 2011), le texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. A cette époque, le gouvernement comme la majorité étaient UMP. Entre-temps, le PS a pris le pouvoir. Qu’attend-t-il pour se saisir de cette question et laisser les parlementaires en débattre ? Un problème avec la transparence ? Dans l’optique d’une refondation démocratique au sein d’une VIe République, il faudrait faire en sorte que nul organisme ne puisse prétendre communiquer l’opinion des citoyens à leur place.

Par Raquel Garrido Secrétaire nationale du Parti de gauche (PG) à la VIe République et Clément Sénéchal Coprésident de la Commission VIe République du PG

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juin 17

Démocratie d’apparat !

Pour Raquel GarridoCharlotte Girard et Clément Sénéchal du Parti de gauche, la concentration du pouvoir entraîne l’« inconstance » et l’« inconséquence » de l’exécutif, poussant les citoyens à préférer l’abstention. Afin de « restaurer de la responsabilité politique », ils souhaitent l’élection d’une Assemblée constituante pour jeter les bases d’une VIe République« démocratique, écologique et sociale ».

 

L’esprit de la République s’est perdu. Forgé par les Lumières, affermi par les partisans de l’égalité, brandi par les Révolutions, il n’est aujourd’hui que le masque froid, duplice et pathétique du président de la Ve République. Césarisme, bonapartisme, présidentialisme… les variations sont nombreuses pour nommer l’essence monarchique d’un régime où le pouvoir exécutif est concentré dans les mains d’un seul homme. La mystique fallacieuse de l’homme providentiel, du père de la nation, des grands hommes dans l’Histoire ne doit plus faire illusion : le paternalisme de la Ve République française génère une infantilisation croissante de la cité doublée d’une dépossession politique des citoyens.

Une fois élu, au terme d’une campagne tronquée par la présélection sondagière et médiatique, le candidat officiel transfiguré par les ors vénérables de la République n’est plus responsable devant personne. Il nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement et décide de leur sort. Il choisit le président du Conseil constitutionnel ainsi que ceux de nombreuses autres institutions, de l’Opéra de Paris à France Télévision : autant de sémillants commis qui forment sa cour personnelle. Il dicte les projets de loi. Il peut à sa guise dissoudre l’Assemblée, seule instance de la représentation nationale également désignée directement par le suffrage universel. L’article 5 de la Constitution dispose qu’il assure « le fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l’État ». L’article 16 lui octroie les « pleins pouvoirs » en cas de crise. Il n’est cependant pas responsable devant le Parlement, qui ne peut le mettre en cause. Il n’est pas responsable non plus devant la Justice, du fait de l’immunité pénale et civile dont il jouit. Il n’est enfin pas responsable devant le peuple, qui n’a plus aucune prise sur lui hors des élections présidentielles et seulement en cas de renouvellement de son mandat.

Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ayant subordonné le sort de la majorité parlementaire à celui du président de la République, le Parlement a abdiqué dans la pratique les dernières prérogatives qui lui restaient. Il n’a plus les moyens de faire les lois, dont 90% environ émanent aujourd’hui de l’exécutif. Son droit d’amendement ? Il confine au simulacre. Quant à l’ordre du jour des assemblées, il demeure malgré la réforme de 2008 largement corseté par les choix d’un gouvernement qu’il ne contrôle ni même n’influence. L’affaiblissement dramatique du pouvoir législatif, accéléré par les transferts de souveraineté concédés aux instances européennes, explique ainsi la désertion chronique dont souffre notre hémicycle –certes largement aggravée par le cumul des mandats.

Cette concentration délirante du pouvoir au « sommet de l’État » se traduit par deux phénomènes tragiques pour la continuité démocratique du pays.

Le premier : l’inconstance et l’inconséquence. A quoi bon en effet les propositions de campagne, quand, parvenu au pouvoir, il est si facile de gouverner sans la volonté populaire ? A quoi bon étudier les programmes politiques et confronter des idées, quand la fonction présidentielle exonère son titulaire de ses engagements ? A quoi bon respecter l’intérêt général, puisqu’il n’a pas les moyens de s’exprimer ? Dans la Ve République, un bulletin de vote équivaut à un chèque en blanc. D’où la confondante parenté des politiques menées malgré l’alternance. Et les désillusions qui s’accumulent en conséquence dans la société.

Qui pourrait distinguer aujourd’hui la politique économique menée par Hollande de celle jadis mise en œuvre par Sarkozy ? L’une comme l’autre appartiennent au logiciel néolibéral. Qu’il suffise de rappeler qu’Hollande a adopté le traité européen (TSCG) paraphé par Sarkozy, malgré sa promesse de renégociation –alors que la souveraineté du peuple était pourtant directement mise en cause par ce texte. Qu’il suffise de rappeler qu’en 2007, le candidat Sarkozy avait promis de ne pas toucher au régime des retraites : il ne se gênera pourtant pas pour lui porter de funestes coups de boutoir une fois élu, malgré l’opposition massive de la rue. Rebelote cinq ans plus tard avec François Hollande, qui s’apprête à détricoter un peu plus le régime par répartition pour complaire aux ordres de la Commission européenne que personne n’a élue. Les promesses du candidat Hollande n’ont servi qu’à s’assurer les voix de ceux qui avaient combattu Sarkozy pour la défense de la retraite à 60 ans. Qu’il suffise enfin de rappeler que le candidat Hollande avait promis de préserver Florange. Comme le candidat Sarkozy avait promis de sauver Gandrange.

Mais le mensonge n’atteint jamais le président de la Ve République. Quand l’un de ses ministres abuse la nation, les yeux dans les yeux, en bloc comme en détail, lui n’en est guère affecté. A peine concède-t-il une ou deux conférences de presse. A des degrés divers, cette irresponsabilité tend à irriguer tout le personnel politique, conglutiné en oligarchie. Quand les reniements se mêlent au mensonge, emblème d’un régime à la fois autoritaire et tristement baroque, comment s’étonner du discrédit dont souffre la parole politique ?

On en vient ainsi au second phénomène : l’abstention grandissante à tous les scrutins, signe d’une dérive inexorable vers l’inexistence civique d’un nombre toujours grandissant de personnes, à commencer par les ouvriers. Depuis 1995, l’abstention au second tour de l’élection présidentielle oscille autour de 20% du corps électoral. Quant à l’abstention aux élections législatives, poumons de la démocratie représentative, elle progresse régulièrement depuis 1993 pour se porter en 2012 au chiffre inouï de 42,8% (!). Sans parler des élections européennes, où l’abstention a culminé en 2009 à 59,37% ! Pour sa part, le vote blanc –hélas considéré comme nul par nos institutions– atteignait 6% du corps électoral lors du second tour de la présidentielle en 2012, soit plus de 2 millions de personnes. Un record. La Ve République ne parvient plus ni à capter l’expression politique de la majorité des citoyens, ni à stimuler l’engagement du peuple dans les affaires de la cité. Les premières victimes sont les ouvriers, désormais 70% à s’abstenir de voter. Démocratie d’apparat.

Il est urgent de changer de régime, de retrouver une République compatible avec l’expression régulière de la volonté générale. Pour cela, il convient d’abord de restaurer de la responsabilité politique, sans quoi n’importe quel édifice humain se trouve sans fondement. Nous proposons à cet effet la possibilité pour les citoyens de convoquer un référendum révocatoire à tous les niveaux du système politique représentatif. Déjà inscrite dans de nombreuses Constitutions, cette disposition permet aux électeurs, après demande par pétition d’un nombre significatif d’entre eux, de soumettre la révocation de leurs élus à référendum. Cette possibilité pourrait être ouverte au plus tard à partir de la mi-mandat. Elle permettrait aux citoyens de rester impliqués dans la vie politique, et de garder un moyen de contrôle sur le pouvoir qu’ils ont délégué. Elle inciterait par ailleurs les élus à faire campagne à partir de programmes et d’objectifs politiques clairs, et de s’y tenir malgré les diverses pressions extra-démocratiques, notamment financières, qui s’exercent sur leur mandat. La volonté générale, formée par l’expression plurielle et contradictoire du peuple, serait ainsi remise au centre du jeu politique.

Afin qu’advienne ce ressaisissement politique, nous appelons de nos vœux la convocation à l’élection d’une Assemblée constituante, seule légitime alors pour écrire aujourd’hui une nouvelle Constitution et jeter les bases d’une VIe République, que nous souhaitons démocratique, écologique et sociale.

Raquel Garrido, secrétaire nationale du Parti de gauche (PG) au combat pour la Constituante et la VIe République

Charlotte Girard et Clément Sénéchal, coprésidents de la comission nationale du PG pour la Constituante et la VIe République

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mai 05

180.000 pour la marche, monsieur Valls !

La préfecture de police, qui traditionnellement n’annonce jamais les chiffres des rassemblements politiques, semble avoir fait exception pour la grande marche pour la 6eme république.

Le chiffre annoncé est ridiculement sous évalué. Il est facile de le vérifier :

Quand il y a 4 personnes au m² sur la Bastille puis 3 au m² sur la totalité du parcours et 2 m² sur nation ça fait 182 895 ( Bastille : 58000+rue de Lyon 13350 + av Daumesnil 30600 + Bld Diderot 45945 + nation (partie occupée par la manif)  35000 = 182 895 personnes .

Monsieur Valls ne saurait il pas compter ?
Est-ce la politique d’austerité appliquée au chiffrage de notre marche ? Ou peut être utilise-t-il les forces de polices au service de la propagande solferinienne….

En tous cas c’est une fois de plus un mauvais coup du ministre de l’intérieur, contre la gauche…

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